mardi 27 août 2013

Tout simplement Franken



- " C'est cool, je vais en Allemagne cet été ! "
- " En Allemagne ? Vous allez grimper là-bas ? "
- " Bah oui, c'est un endroit très connu pour grimper, dans le Frankenjura plus précisément. "
- " En Bavière en plus, mais il pleut tout le temps ! "

Eh oui, chers lecteurs, voici l'extrait d'une conversation stéréotypée soulevant deux clichés qui collent à la réputation de l'escalade outre-Rhin. LaCombe, toujours à la recherche de nouvelles expériences verticales, a donc fait le pari d'aller pratiquer l'escalade en Allemagne, faisant fi du probable mauvais temps.

Un soir d'orgie à St Pierre, AK avait lancé cette idée saugrenue de tester la grimpe germanique pour l'été. En bon commercial, il nous vendait son produit avec professionnalisme et l'affaire était pliée en moins de deux :  " Vous verrez, c'est le top avec des enfants ! ". Un argument qui fit mouche immédiatement auprès de Soso et qui suffisait à nous motiver pour tenter l'expérience. Certes AK est un bon vendeur, prêt à nous fourguer Fréterive comme une falaise internationale à la mode, mais à sa décharge, il connaissait le lieu comme un vrai local pour y avoir vécu un an et écumé bon nombre de falaises.


Début Août 2013, nous nous retrouvons donc à Strasbourg pour une préparation express au style d'escalade du Franken. Tout le monde nous avait dit : " Vous verrez il faut de la force pour faire les voies ". Cela tombait bien c'était la filière qui me convenait le mieux et qui " part " en dernier après une longue période d'inactivité. En effet, comme seule pré-préparation, je m'étais accordé trois semaines de glande totale en bord de mer, à pécher le tourteau comme un acharné. Ainsi, pendant ces deux journées de remise en forme presque tout mon corps me fit comprendre que le régime camembert, beurre et crème au lait cru à chaque repas, le tout arrosé copieusement de cidre, ne rimait pas avec performance. La reprise fut néanmoins agréable et enrichissante. Au Windstein, j'appris la rigueur Alsacienne dans le 6a+ de Viol à main armée, l'art d’accommoder les restes avec la nouvelle " combi " à la mode en 7a/+ de La diagonale du flou, le touché incomparable du grès rose dans l'angle mort encore en 7a+ et l'amour des blocs encordés ultimes de trois mouvements avec La Dérobée seulement 7b+.






Au Baldur, changement de style, changement de contexte aussi. Accompagné d'AK et du local de l'étape Florent Wolf, les apprentissages furent complètement différents. Entre mâles bourrés de testostérone les discussions allaient bons trains et se recentraient sur l'essentiel. Les cotations ? Non, nous étions d'accord. L'équipement ? Seulement quelques interrogations sur l'utilisation d'un unique scellement comme relais ou encore de la vache courte pour déséquiper entièrement une voie, franchement pas de quoi nous occuper tout un après-midi. Les grimpeuses ? Cela ce pourrait bien. Ainsi, entre l'échauffement dans Starting blog en 7a+, la perf' d'AK flash dans Le serpent à Sornettes en 7b+ et mon combat dans Les mutins de panurge en 7c, les anecdotes tombaient comme les croix en cette belle journée. Florent, toujours très pro, nous faisait part de ses derniers clichés en falaise où l'utilisation d'un bon gros zoom est souvent nécessaire pour apprécier le port d'un mini short moulant façon Sierra B-C. Déjà bien chaud, AK, très au fait du Star System escalade, nous régala d'une histoire sodomite très croustillante que l'on pourrait intituler : " Tonight you will be my Corentin ! ", avant sa dernière croix dans Patère austère encore en 7a+.





10 Août 2013 : départ vers le pays de la force pure. Notre préparation alsacienne achevée nous étions censés être prêt pour affronter la rudesse germanique et leurs spécialités culinaires fortement caloriques. Notre point de chute serait à l'épicentre du FrankenGößweinstein, un lieu chargé d'histoire avec le fameux Obere Gößweinsteiner Wande, un mur de 25m presque parfait résumant, à lui seul, l'histoire de l'escalade libre en Allemagne et théâtre de l'ascension du 4ème 7c féminin par Isabelle Patissier dans Katapult en 1985. Les amoureux de la belle Isa s'en souviennent certainement ? Nous établissions donc notre camp de base dans une location typique Franken aux lits " king size " indispensables aux repos des vacanciers, à deux pas d'Edeka et d'un " Getränke market ". Que demander de plus ?







Notre visite des falaises commença dès le demain. " Allo, Arno, wie geht es dir? ". A grandes accolades les anciens copains d'AK, Jorg et Philip, le saluaient, heureux de le revoir et de s'apercevoir que pour lui aussi la vie avançait. Kat portait le pantalon E9 spéciale femme enceinte avec grâce, comme d'autres le tee-shirt surfait et d'un classique presque pitoyable : " C'est pour Mars ". En Allemagne pas de bises, ça pourrait être interprété comme un acte d'agression sexuelle caractérisée, on se tapote dans le dos avec les familiers, pour les autres c'est serrage de mains de rigueur. Peu importe la forme puisqu'après tout le monde se retrouve, avachi, vautré sur des couvertures étalées dans les près, échangeant la nourriture, les enfants, les maris, les mamans pour le plaisir de chacun. Plaisir vertical évidemment, les pieds de falaises se prêtant particulièrement bien à cette organisation communautaire où chacun peut jouir du caillou à tour de rôle. Ainsi à Moritzer Turm comme à Breitenstein, une belle pelouse vous attendra à 5m des voies.






A ce stade, j'ai déjà perdu la moitié de mon lectorat qui attend avec impatience des résultats, des bons conseils ou d'autres anecdotes salasses. Avant cela, il faut savoir que le Franken c'est plus de 6000 voies, reparties sur des dizaines de petits secteurs, cachés dans la forêt, pour la plupart invisible de la route et ne dépassant jamais la cime des arbres. Il faudra donc un solide topo ou un bon guide local pour trouver la falaise de vos rêves. Une fois trouvée, place au plaisir. A Moritzer Turm presque tout était à faire des 5 d'échauffement à High Gravity day en 9/9+ en passant par Freischwimmer en 8+ serré. Le rocher était d'excellente qualité, les voies plutôt longues et résistantes, selon mes critères, mais impossible d'y passer votre journée, si comme AK il vous faut 250m de voies dans le 7ème degré pour commencer à avoir mal aux bras. A Burg Rabenstein, nous devions rejoindre George. Une fois rejoint, nous levions la tête. Argh, c'était moche, une sorte de Mouxy du Franken en plus court, cela vous laisse augurer de l’intérêt de la falaise dont une partie était au soleil. Néanmoins nous profitâmes des méthodes des locaux pour répéter vite fait deux 8+, le premier vraiment soft nommé Inshalla et un second sans nom de 6m de haut... Classe !!! Avec des enfants c'est à oublier au plus vite, sauf si comme nous, vous n'êtes pas à cheval sur l'hygiène au pied des falaises ni contre l'idée que vos têtes blondes jouent dans la crotte de chèvre. AK aura cette parole en fin de session : " Je décide qu'à présent le choix des falaises ne se fera que par moi et par moi seul. " Nous approuvions tous en cœur.






A Breitenstein, un peu plus au sud, nous retrouvions l'image d’Épinal de l'escalade Fränkische : une prairie, de gros blocs cachés dans la forêt, très proche de la voiture, avec des WC à disposition. Cette falaise à l'aspect débonnaire recelait néanmoins de très beaux itinéraires. Zur shonen Aussicht en 7+, tout comme Cappuccino, 9-, la surcotée Das Spiel ist Aus en 9/9+ et la très sous-cotée Gänsehaut en 8+. La valse des cotations serait donc internationale ? Qu'à cela ne tienne nous étions satisfait.
A Obere SchlossbergwändeAK s'attendait à avoir une foule en liesse pour l'applaudir. Il nous disait :       " Finit de rigoler on va aller à une superbe falaise, d'ampleur, avec pleins de Polonais, de Tchèques..." Arrivés au pied, non sans mal, deux cordées nous précédaient. Ce qui aux yeux d'AK était une référence de l'escalade au Franken nous paraissait plutôt être un spot dépassé, délaissé par les grimpeurs. Certes le profil déversant donnait envie mais l'excessive patine du rocher mélangée à l'abus de magnésie pour sécher les prises eurent raison de ma motivation. Soso put alors se déchaîner dans quelques 7+, forts sympathiques, afin de rentabiliser sa dernière journée de grimpe. Pour AK, le seul objectif de la journée était de prendre son ticket pour la file d'attente de Liebe ohne chance, Le 9 le plus parcouru d’Allemagne. Comme à son habitude, de manière très perverse, il mit tout le monde d'accord en flashant, à vue, après travail, cette voie historique que tous les berlots d'un niveau 7a max essayaient en vain ce jour-là. Étrange façon de penser, mon chez Arno, que de vouloir ridiculiser moins fort que soit ! As-tu donc souffert un jour d'une semblable expérience ? Celle d'un grimpeur arrogant qui aurait réalisé ton projet en se gaussant de toi, te renvoyant à la figure ta propre médiocrité ?






Au dernier jour de grimpe, nous avions besoin de nouveautés ! Philip nous proposa donc d'aller visiter un nouveau secteur. En guise d’inédit, nous étions tombés sur le coin à la mode, " the place to be" du Frankenjura. Cette forêt recèle tellement de cailloux que la réserve de nouveauté semble inépuisable. A Intensivstation, nous découvrions donc, de nouveau, une falaise calcaire formée de gros blocs, d'une quinzaine de mètre de haut, proposant des voies d'escalade du 6 au 10- sur toutes les orientations possibles. En passant devant une voie sur le chemin qui menait à la falaise, une petite ficelle rouge nouée autour du premier point attira mon attention. Ce procédé était censé avertir les grimpeurs de ne pas escalader cette voie sous prétexte que l' équipeur se gardait le droit d'en réaliser la première ascension. Cette démarche souvent acceptée par la communauté des grimpeurs était ici clairement souligné. En un mot : " Pas touche à ma voie, sinon...". Je vais me réserver mes FA de cette manière maintenant et Victor pourra toujours essayer de me les voler !!! Sur un bloc "autorisé" nous réalisions rapidement Not OP et Rebirth toutes deux cotées 9 mais clairement d'un niveau différent avant de migrer vers l'ultra classique Püttlacher Wand et de lui présenter nos adieux. Cette dernière falaise ressemble vraiment à une falaise. Un beau mur, d'une hauteur raisonnable, de bonnes prises pour un effort de conti perturbant dans ce royaume de la force. En guise de dessert je me jetais désespérément dans Ikebana, un super 8 alors qu'AK randonna un 9- à vue, histoire de montrer que c'était lui le roi de la conti, devant les yeux médusés des quelques grimpeurs présents.




C'est de retour en France que l'on prend toute la mesure de la qualité de cette excursion. Une petite semaine pleine de fraîcheur, de bonnes découvertes, de rencontres, qui donne envie de revenir. J'ai même commencé à en faire de la pub' auprès de Victor et Roberto qui se laisseraient surement tenter par l'expérience, un jour, histoire de réactualiser leurs échelles de cotations et d'avoir de solides arguments face à Des chiffres et des lettres.