samedi 15 mars 2014

AOC Buoux


Buoux c'est comme un grand cru classé, il faut savoir le goûter à temps pour en profiter totalement. Ainsi il aura fallu plus de dix ans à LaCombe pour oser s'y ré-aventurer. La première fois, comme beaucoup de première fois, l'insouciance nous fait espérer monts et merveilles, on se prend pour un surhomme, pensant avoir et donner du plaisir rapidement. Hélas on se heurte souvent à de grosses déconvenues. Pourtant à cette époque, avec mon niveau 7a à vue/après travail, je pensais revenir avec de belles coches et des histoires à raconter aux copains. Je me lançais dans n'importe laquelle des voies, la fleur au fusil, pensant triompher de ces quelques mètres d'escalade d'aspect plutôt débonnaires truffés de bons trous. A cette époque, je ne choisissais que les voies d'apparence faciles et peu déversantes. A cette époque j'étais un vrai berlot, sans vécu, sans expérience de la falaise, et surtout sans canne à pêche!!!



Au secteur Autoroute, je triomphais néanmoins dans Be bop tango comme dans Rinoféroce au Styx, après de beaux combats dans les dalles finales. Mes souvenirs s'arrêtent là puisque ma mémoire à naturellement effacer toutes traces des nombreux échecs, roustes et autres réchappes sur broche en ce lieu Saint et chargé d'histoire.


Ainsi lorsque treize ans plus tard Soso me proposa de passer 3 jours d'escalade en amoureux, mon choix se porta naturellement vers Buoux, après avis favorable d'AK bien sur. Un fait aussi rare se devait d'être partagé avec une bonne équipe de grimpeurs Savoyard : Victor, son frère Antoine et Jérémie seraient donc de la partie pour partager tous ensemble une belle rouste.




 AK nous avait fait une check-list afin de nous faire plaisir dans ce lieu si particulier mais n’écoutant que mon amour sans faille pour les voies sans saveur c'est au secteur Dérive qu'il nous retrouva. Quelle bonne surprise de le croiser cet après-midi de mars avec sa petite Lise mignonne comme tout et déjà fan des falaises. Pour un premier contact avec cette molasse calcaire Soso se fit rouster dans un 6a puis dans un 6c hyper dalleux mais parvint à se surpasser dans un très beau 5c en fissure. Ici plus qu'ailleurs il faut rester humble et se rappeler que l'escalade est aussi un sport où l'on utilise les pieds. En effet il ne sera pas rare de se retrouver le nez contre le rocher, les mains sur des "rien" et les pieds sur des pentes, le nez sous le relais, telle une mouche sur une vitre, à se demander pourquoi on a choisi cette satanée voie. Ainsi à ce petit jeu débile je triomphais dans Doutte à goutte en 7b+, une bouse de dix mètres rarement faite et qui laissa AK dubitatif en me voyant arquer les monos! Enfin disposé à écouter la voie de la sagesse, je suivis le bougre dans Songe sucré, un 7a juste parfait à l'escalade très complète.
Après cette demi-journée de remise en jambe, nous étions fin prêt à suivre les bons tuyaux de notre pot' Huggy, et nous nous dirigeâmes vers le secteur Croisette et TCF avec la troupe au grand complet. Échauffement de rigueur dans un 6a assez facile que Soso maîtrisa aisément, puis un 6b surprenant nommé Homo grimpus Lubéronus et l'appel de la fraîcheur se fit ressentir. Au secteur éponyme, je faisais, à vue, TCF en 7a pendant que Victor puis Jérémie masterisaient Jolinouille pour la même cotation. Ces deux voies sont vraiment des pures merveilles à grimper, à tel point que la patine du rocher sera complètement anecdotique.



Juste après le crux du bas d'un zeste d'inceste

Passage dalleux avant le crux du haut
Vue d'ensemble sur la croisette et les dévers

Ils ne nous restaient plus qu'à essayer plus dur pour tendre vers une rouste assurée. Mon regard de chasseur de bouses se tourna donc vers un 7b+ nommé Un zeste d'inceste que mes compagnons de LaCombe convoitaient également du coin de l'œil, cherchant déjà les méthodes pour vaincre le crux retors de départ, dans l'hypothèse d'une tentative à vue... Mais nous sommes à Buoux, faut-il le rappeler, un site qui se prête bien plus à une escalade "après-travail" qu'au "à vue". Victor eut la dure mission d'aller poser les dégaines tandis que j'eus celle de trouver les "vraies" méthodes dans les deux sections clés de la voie. L'essai suivant, plutôt bien calé, je mousquetonnais le relais alors que Victor en pleine torpeur post soirée agitée, ne trouva pas de solutions aux problèmes proposées par cette sympathique voie. Et oui les jeunes, si Bob Marley avait été champion d'escalade on aurait tous du "Chut", cf Gainsbourg, dans nos poches!!!


Avec la canne spécial Buoux

Un gros sac au hissage


Nous voulions tous essayer encore plus durs. Le lendemain Soso tenta une moule dans TCF, puis dans La rose des sables et enfin dans un 6c, sans succès. Rouste. Antoine ne parvint pas à dépasser sa peur pour faire ne serait-ce qu'un simple 6a en tête, et renonça même à aller au sommet de La rose des sables en moulinette... Re rouste. Décidément Bob n'était pas un grimpeur... Victor et moi gardions encore un peu d'influx pour essayer la mythique Rêve de papillon en 8a mais là encore, re re rouste. Cette voie était pourtant du style de l'animal surpuissant de Savoie, mais le temps lui fit défaut, comme la méthode et la motivation... L'abus de bières et de pizzas pendant le séjour joua aussi sont rôle de sape sur nos performances. Il faut dire qu' AK nous avait concocté un programme d'enfer à Lourmarin, une commune toute proche, bien connue des grimpeurs et des Bobos du Lubéron, avec une escale dans un bar très cosy où l'on peut se vautrer dans des canapés en cuir en dégustant cocktails et bonnes bières. La seconde étape du périple se déroula dans une brasserie pizzeria de la petite place en plein match OM-Nice. Vous avez le décor, vous pouvez imaginer la suite? Les pizzas et la serveuse étaient bien bonnes même si nous aurions préférés avoir un petit sourire.
Jérémie sortit tout de même vainqueur de son combat mental contre cette fameuse Rose aux épines bien acérées pour éviter la triple rouste et Victor torcha tout de même un 7b à la face Ouest, le lendemain , comme lot de consolation.

Maintenant c'est sûr, LaCombe n'attendra pas aussi longtemps pour revenir dans ce temple de l'escalade libre avec pleins de projets de frustration et de déculottées monumentales.